PALéONTOLOGIE Des empreintes de pas humains découvertes au Mexique dateraient de 40 000 ans
Les traces des premiers Américains bousculent l'histoire du Nouveau Monde
Marc Mennessier
[06 juillet 2005]
De simples traces de pas dans la cendre volcanique, mais un grand bond en avant dans la connaissance de l'origine du peuplement de l'Amérique. Si elle est confirmée, la découverte, au Mexique, d'empreintes de pieds humains vieilles de 40 000 ans indique en effet que les premiers hommes auraient colonisé le Nouveau Monde 30 000 ans plus tôt que prévu par la théorie actuelle.
Il y a deux ans, pendant l'été 2003, une équipe d'archéologues britanniques dirigée par Silvia Gonzales, David Huddart, de l'université John Moores de Liverpool, et Matthew Bennett, de la Bournemouth University, entreprennent des fouilles dans une ancienne carrière située près du volcan Cerro Toluquilla, non loin de la ville de Puebla, à une centaine de kilomètres au sud-est de Mexico.
En quelques jours, les scientifiques tombent sur une véritable mine d'or : des centaines d'empreintes de pas d'hommes mais aussi d'animaux sont disséminées sur une couche de cendre fossile qui bordait le rivage d'un ancien lac volcanique.
Aujourd'hui dures comme du ciment, les traces, qui proviennent, pour environ un tiers d'entre elles, d'enfants, ont été admirablement conservées par la montée du niveau des eaux et par le dépôt d'une couche de cendre et de sédiments lacustres de plusieurs mètres d'épaisseur qui les a recouvertes au fil du temps.
Il ne restait plus aux scientifiques qu'à dater précisément leurs trouvailles : un travail de Romain qui leur a pris deux ans et dont les résultats viennent seulement d'être présentés, cette semaine, à Londres, à l'occasion du festival scientifique d'été de l'Académie royale des sciences.
Pour cela, des dents de mammouth, des coquillages, des ossements animaux prélevés sur la couche de cendre et sur les niveaux inférieur et supérieur, mais aussi des grains de sable «cuits» dans la cendre volcanique, ont été soumis à des techniques de datation, des plus classiques (carbone 14) aux plus sophistiquées (argon-argon, résonance paramagnétique de l'électron, etc.).
Verdict : les mystérieuses traces de pas ont été imprimées dans le sol il y a plus de 38 000 ans... «C'est une bombe archéologique !, s'est exclamée Silvia Gonzales sur le site de la radio anglaise BBC News, mais nous sommes prêts pour le combat.»
La question de l'origine du peuplement de l'Amérique est en effet l'une des plus débattues parmi les paléontologues. Selon la théorie actuellement admise, les premiers Américains ont pénétré dans le continent à la faveur de la dernière glaciation (entre – 12 500 et – 10 000 ans), lorsque le détroit de Béring, qui sépare aujourd'hui la Sibérie de l'Alaska, pouvait être traversé à pied sec, du fait de la baisse du niveau de la mer. Ces peuplades mongoloïdes ont, en outre, laissé des vestiges (pointes de flèche, outils taillés selon une technique spécifique) que l'on a retrouvés en 1932, à Clovis, petit village du Nouveau-Mexique.
Mais ce «double dogme», selon l'expression du paléontologue Dennis Stanford qui plaide pour une origine européenne des premiers Américains, est mis à mal par la découverte réalisée au Mexique.
«L'existence d'empreintes de pieds humains vieilles de 40 000 ans signifie que le modèle dit du «Clovis First» ne peut plus être considéré comme la première trace de présence humaine en Amérique», déclare David Huddart.
Aujourd'hui, un nombre croissant de paléontologues estiment que l'Alaska n'est plus le seul point d'entrée d'Homo sapiens dans le Nouveau Monde.
Silvia Gonzales avance même l'hypothèse d'une colonisation par voie maritime, au moyen d'embarcations. Des hommes originaires d'Australie ou d'Asie du Sud-Est auraient pratiqué le cabotage tout au long de la façade ouest du Nouveau Monde. Mais ces premiers colons auraient disparu pour être remplacés par la suite par les peuples sibériens du modèle Clovis First, dont les Amérindiens actuels sont les descendants directs.