Le MANCHAY PUYTU

 

La kena en os nous invite naturellement à parler de son résonateur privilégié que fut le Manchay Puytu.

En langue Quechua, Manchay signifie « avoir peur » et puytu désigne un vase d’argile de forme vaguement rhomboïde, l’ »arribaldo », l’amphore andine. Le Manchay Puytu était donc, dans sa fonction auditive, « la jarre qui fait peur ».

Sa forme était celle d’une amphore antique, mais percée sur son ventre de deux trous ronds dans lesquels on passait chaque main pour tenir la flûte en os humain, que l’on avait introduite par l’orifice normal du vase. LES Péruviens, qui connaissaient son utilisation par tradition orale disent qu’il doit, pour être joué dans toutes ses facultés, contenir un fond d’eau, dans lequel on ajoute un « sapo », un crapaud.

Ainsi dans cet instrument se rejoignent la terre, le feu (de sa cuisson), l’eau, l’air (le souffle), l’esprit (de l’os), et celui du chaman (le crapaud) pour en faire un objet sonore chargé de pouvoirs.

Mais quels pouvaient être ces pouvoirs?

Les expériences faites avec un de ces appareillages confirmèrent ce que racontait la tradition orale.

La musique qui sortait de ce vase entraînait les personnes qui l’entendaient dans un sentiment de prostration, de vague à l’âme, de profonde nostalgie, attaquant de plein fouet les volontés les plus fragiles, les esprits les moins forts, pour les impliquer dans les intentions de la musique suggestive interprétée.

Cette musique était forcément triste de par le rythme lent imposé par l’instrument et l’utilisation d’une gamme mineure typique, mais surtout de par les raisons de son emploi : rite funéraire, mortification après défaite au combat, etc...

La peur, ou plutôt l’angoisse, presque inconsciente, naissait du sentiment profond émanant de cette musique, renforcé par l’étrange vibration, à la fois sourde et aiguë, caverneuse donc chthonienne et aérienne, donc spirituelle, conférée par cet ensemble vase-os.